Bruxelles a envoyé un peu avant Noël 2010 des questionnaires à certains éditeurs web, annonceurs ou régies publicitaires dans le cadre de son enquête d'éventuel abus de position dominante de Google. Ayant eu accès à ce document, je vous en fais un retour accompagné de mon point de vue...
Les bureaux de la Commission Européenne à Bruxelles
Un questionnaire qui accuse Google pour plusieurs de ses activitésA la lecture de la lettre envoyée par la Commission Européenne, j'ai compris que le ton était fortement accusateur envers le géant du web. On pourrait aisément parler de soupçon de "manipulation", comme j'ai pu le lire dans la presse.
Les destinataires de cette enquête ont jusqu'au 11 février 2011 pour envoyer leur réponse (sous peine d'amendes avec pénalités de retard...). Ils risquent d'y passer un peu de temps, vu l'étendue du questionnaire de Bruxelles : une centaine de questions abordent aussi bien le référencement naturel que les liens sponsorisés AdWords ou les moteurs spécialisés tels que Google Actualités, Google Images, Google Maps ou les vidéos YouTube intégrées dans les résultats classiques L'autre versant de la publicité est également abordé : celui de la régie publicitaire AdSense où Google jouit également d'une position très forte en Europe.
En gros, les acteurs du web interrogés doivent donner leur opinion sur un éventuel abus de position dominante dans la recherche (manipulation des résultats naturels pour mettre en avant les services de Google au détriment de ceux des concurrents) et dans la publicité (incitation à dépenser plus, blocage de la concurrence).
Mon avis sur l'enquête de l'Union EuropéenneN'étant pas juriste, j'ai du mal à formuler un avis sur la méthode employée par Bruxelles. Je vous partage néanmoins quelques réflexions...
Sur le fond d'abord. Pour les soupçons pesant sur la recherche, j'ai tendance à penser que les internautes ont le choix d'aller faire leurs requêtes ailleurs (sur Bing et les autres). Google n'est pas un service public mais une entreprise privée qui propose un service que d'autres proposent également. Libre à Google de définir quels sites il affiche dans ses résultats, non ? Ce n'est pas comme pour les ordinateurs pour lesquels il est vraiment difficile d'acheter une nouvelle machine sans que l'achat d'une licence Microsoft soit imposée. Par contre pour ce qui concerne la publicité, aussi bien en tant qu'annonceur (AdWords) qu'affilié (AdSense), il me semble qu'on a beaucoup moins le choix, et qu'il est important que des enquêtes soient menées. La question de l'intégration des moteurs verticaux au sein des résultats classiques ("recherche universelle") me semble bien plus délicate à trancher et donc sujette à enquête.
Sur la forme, je suis plutôt perplexe. Quand les enquêteurs demandent à des annonceurs s'ils pensent que Google leur fait payer trop cher leurs annonces, pensez-vous qu'il seront tentés de défendre Google ? Et quand on demande aux éditeurs de sites s'ils ont constaté des baisses de trafic issu de Google sans explications liées à des changements sur leur site, pensez-vous vraiment qu'ils seront tentés de défendre Google ? Alors qu'il peut y avoir des dizaines d'explications possibles, allant des modifications d'algorithme au travail des concurrents... sans compter les erreurs des éditeurs ou des annonceurs, par faute ou méconnaissance.
Plus inquiétant encore, comment voulez-vous que les responsables de cette enquête puissent évaluer si les plaintes des sondés sont justifiées, alors qu'ils ne connaissent sans doute pas assez l'algorithme de Google et ne disposent d'aucune donnée nécessaire à cette analyse (ils n'ont que les déclarations des sondés qui peuvent trouver ici l'occasion inespérée et inédite de "charger" sur Google). En d'autres termes, je ne vois pas comment la Commission chargée de l'enquête pourrait obtenir des preuves...
Bref, autant je suis très content qu'une enquête soit ouverte, autant je ne vois pas comment elle peut concrètement aboutir à des conclusions sérieuses. J'attends vos avis avec impatience, que vous ayez ou pas reçu ce questionnaire ! Utilisez pour cela les commentaires ci-dessous ou bien la discussion dans le forum : Enquête de Bruxelles sur l'éventuel abus de position dominante de Google.